Prologue
Je déteste marcher dans ces couloirs. Ils me semblent toujours un peu plus sombres et froids à chaque pas que je fais. Je sais toutefois que je ne peux me permettre de ralentir le pas. Un retard serait très mal vu par le Grand Conseil, surtout vu ma position. Tous les autres « Dieux » ont réussi à choisir leur organisateur quelques mois à peine après leur arrivée au poste. Je n’arrive malheureusement pas à faire la même tâche que mes pairs et c’est justement cela que le Grand Conseil veut me reprocher dans cette convocation.
Je continue de marcher vers les deux grandes portes de bois vernis qui s’ouvrent quelques secondes avant que je n’entre dans la grande salle du Conseil. Je n’ai pas besoin de lever la tête pour savoir que tous les membres du conseil sont là, ainsi que mon frère. Je m’arrête seulement quand j’atteins le centre de la pièce. C’est seulement à ce moment-là que je me permets de lever la tête afin d’examiner la pièce. Cette pièce est très semblable à une cour de justice, à cela près que je n’ai pas le droit à un avocat et la notion d’innocence est très faiblement comprise. Chaque membre est assis sur des bancs sculptés dans le bois. La pièce est baignée d’une lumière rouge sang à cause de la réflexion de la couleur vive des toges des membres du Conseil ce qui me permet de savoir aisément que leur nombre est complet en ce moment.
Un homme portant une toge noire se lève alors de son siège pour s’avancer devant un grand lutrin. Il vient y poser quelques feuilles que je devine ne pas être des partitions. Quoique cela serait certes comique de voir les membres du Conseil tentés de faire de la musique.
– Veuillez vous présenter, je vous prie. Me dit l’homme du haut de son estrade sans lâcher des yeux ses documents.
– Stana Sys’ky. Fille cadette du président Sys’ky. Présidente des élèves du lycée Sud. Disais-je de façon platonique.
– Le Conseil s’inquiète du retard de votre choix, mademoiselle. Vous connaissez portant l’importance que représente ce choix pour la province du Sud. Me dit l’homme d’un ton accusateur.
– J’ai pourtant déjà fait part au Conseil d’un de mes choix de préférence, mais le Conseil ne m’en a pas donné suite.
J’ai lancé cette pique tout à fait exprès pour l’homme en toge noire qui n’est nul autre que mon frère. Je lui avais déjà fait part il y a de cela quelques semaines de mes préférences pour mon organisateur et mon maître du jeu, mais les profils que je préférais le rebutaient au plus haut point. En particulier, mon organisateur qu’il trouvait puéril et insignifiant. Il n’a dès lors sans cesse essayé de me soumettre d’autres candidats pour ce poste qu’il jugeait meilleurs et également manipulables en sa faveur. Je tente donc ma chance devant le Grand Conseil pour faire valoir mon droit de choisir mon organisateur si le Conseil n’approuve pas mon choix.
– Je sais que le Conseil désapprouve mon choix initial pour mon organisateur. Mais je ne peux faire autrement. Tous les autres candidats ne seront pas à la hauteur pour ce poste. Je sais qu’au premier abord il semble incompétent, mais je sais aussi qu’il peut gagner en maturité à travers ce poste.
– Peut-être, mais un choix plus judicieux s’impose pour ce…
– Je connais déjà toutes vos craintes, monsieur le président. Disais-je en coupant la parole à mon frère.
– Je savais déjà en faisant cela que de lourdes conséquences s’abattraient sur moi une fois rentrée à la maison pour l’humiliation que je venais de faire subir à mon frère, mais je n’en avais cure. Mon frère avait beau se sentir humilié, c’est lui-même qui m’avait appris à parler ainsi et à faire de grands discours.
– Mon choix est fait. Mon organisateur sera Pyro. Déclarais-je solennellement. Je tournai rapidement le dos au conseil afin d’éviter tout commentaire allant contre ma décision et je sortis de la salle d’un pas décidé.
…
Le poste de présidente est idéal afin d’observer les éventuels profils recherchés comme organisateur et maître du jeu. Ainsi, je me suis attelée dès mon arrivée au lycée afin d’obtenir ce poste sans l’aide de mon frère. Mon organisateur ne fut toutefois pas difficile à trouver pour moi. Je l’ai su dès que je l’ai vu. Pour les autres ce garçon serait le choix le moins probable comme organisateur, mais il semble tellement être le choix le plus judicieux pour moi. Et le pire dans tout ça c’est que j’en ignore la raison.
– Est-ce que tu crois que cela fonctionnera ce mois-ci? Demanda Liliana à Maja pendant que nous marchions le long du terrain de l’école.
– Je ne sais pas… Dis distraitement Maja qui préférait bien plus regarder les jeunes garçons de l’école jouer sur le terrain de base-ball que de répondre aux questions de sa sœur.
– Et toi Stana ? Tu crois qu’on devrait faire plus pour que le message passe ? Me demanda cette fois-ci Liliana, pensant que s’adresser à la présidente du conseil serait un meilleur choix.
– Malheureusement pour Liliana, j’étais bien trop occupé à surveiller à contrecœur Maja.
– Quelque chose ne va pas présidente ? Demanda Maja en souriant.
– Ne fais pas l’innocente. Disais-je en me concentrant pour ne pas laisser transparaître ma frustration.
…
Le lycée Sud est une école très spéciale ici. La majeure partie des cours ici ne concerne pas des connaissances théoriques mathématiques ou encore sur de la grammaire. On priorise plus des cours pratiques dans le but de faire des combats. Ainsi, mes camarades de classe sont plus sujets à devenir mes rivaux que mes amis. Personne n’ose rester avec les mêmes personnes trop longtemps. Les amitiés sont plus des alliances ici.
Cette ambiance de compétition devrait être importante, mais cela est plus troublant et pesant pour moi. En plus de mes piètres performances dans la majorité de mes classes qui n’arrangent pas mon cas.
– Eh regardez voilà la présidente. Dis une fille de ma classe derrière moi pendant que j’attachais mes souliers.
J’entendais quelques personnes se diriger vers la grille afin de mieux apercevoir notre présidente du conseil des élèves tandis que d’autres redoublaient d’efforts afin de montrer leurs meilleurs atouts pendant l’entraînement. D’un point de vue stratégique les personnes qui s’entraînent plus sont plus à même de se faire remarquer. D’autant plus que la présidente peut parler en notre faveur afin que ayons une promotion pour monter dans une classe plus haute. Je ne ressens malheureusement pas le même sentiment que mes camarades. Pour moi, le combat est fini depuis longtemps.
…
– Tu crois qu’elle a remarqué mon strike, Pyro? Me demanda mon amie Louane en continuant de donner de faible coup de pied dans un punching-ball.
– Je l’espère pour toi. Disais-je.
Soudain je sentis mon regard être attiré vers deux formes voluptueuses montant et descendant au va-et-vient des coups de pied de mon amie. Ses seins.
– Je trouve cela dommage que ce n’est que ceux de la classe A et B qui ont des évaluations. Continua-t-elle. Pyro? PYRO!
Sentant un avertissement dans sa voix je me retourne et aperçois des élèves de la classe B entrer sur le terrain. Ce genre de types ont toujours tendance à vouloir montrer l’étendue de leur force devant le conseil des élèves, mais pas de la bonne façon. Bien sûr, ils ne vont pas s’en prendre à des élèves de classe plus proche d’eux comme ceux de la classe C et encore moins ceux de la classe A. Des élèves de la classe E comme nous sont des proies bien plus faciles. Je serre lentement mon poing tentant de me calmer face à ses brutes qui veulent uniquement profiter de la faiblesse des gens afin de renforcer leur ego.
– Qu’avons-nous là? Dit l’un d’entre eux en s’approchant de Louane.
Le garçon aux cheveux jaunes avait un sourire pervers accroché sur le visage en regardant de haut en bas le corps de mon amie.
– Ne t’approche pas d’elle! Disais-je d’une voix rauque en serrant encore plus fort mon poing tentant de me contrôler.
– Hé ! Ce ne serait pas le petit Pyro?
– Qui ? Dit le garçon aux cheveux jaune qui tentait de plus en plus de toucher Louane en se plaçant contre le punching-ball.
– Tu sais le gars qui a failli être expulsé de l’école tellement il était nul?
– Hahaha! Oui celui-là! Je me demande bien ce qu’il fait ici lui!
– Et si on essayait un peu de lui donner une chance en le combattant? Dit le premier en signe de générosité.
– Moi je voudrais plutôt essayer son amie. Dit l’autre en riant.
J’étais certes furieux qu’il parle ainsi de mon amie, mais je ne suis pas bête. Louane a beau être dans la classe E, cela ne veut pas dire qu’elle est faible pour autant. On pourrait croire, en voyant sa frêle silhouette que sa principale faiblesse se retrouve dans les tests physiques, mais en réalité elle se trouve plutôt dans les tests théoriques. Ainsi, elle est tout à fait capable de se débarrasser de ces trois idiots.
Tout à coup le jeune garçon aux cheveux jaunes se retrouva sur le dos avec une marque balafrée sur le visage. Je regarde ma jeune amie en souriant de fierté pour voir son visage être rougeâtre de gêne.
– C’est quoi cette merde ???
– Je vous présente Louane. C’est la fille du yakuza Rui. Disais-je en désignant mon amie de la main.
En voyant les yeux affolés des élèves de la classe B, je devine qu’ils connaissent ce nom et ce que cela signifie si le père de Louane venait à apprendre ce qu’ils avaient essayé de faire à sa fille chérie. Je profite de cet instant pour venir prendre la main de Louane et me diriger avec elle vers la sortie du terrain.
– Ha ! alors tu préfères envoyer ta copine pour se battre à ta place? Quel minable!
– Vous devriez le savoir les gars. J’ai fini de me battre. Disais-je simplement, ce qui déconcerta les trois minables.
– Et attends un peu toi! Dit le garçon au cheveux jaune en se relevant. Il tenta de prendre la main de ma jeune amie.
Avant même que je n’aie eu le temps de réfléchir, mon bras se leva instinctivement et mon poing se referma comme de la pierre dans le but de s’écraser contre la mâchoire de mon adversaire. Mais avant que mon poing n’ait eu le temps d’atteindre sa cible, je le sentis se faire arrêter par un mince filet bleu magique.
– Les combats se font dans les arènes messieurs. Je crois que vous devriez tous le savoir. Dis une voix faussement joyeuse dans mon dos.
Je me retournai et vis le directeur de l’école, monsieur Sys’ky. Les trois élèves de la classe B commençaient déjà à montrer des signes de nervosité par leur façon de regarder le sol en s’inclinant instinctivement devant la force de notre directeur qui est également le frère aîné de notre chère présidente des élèves.
– Je croyais que cela était pourtant clair depuis la dernière fois que nous nous sommes vus…
Je savais pertinemment que ce message m’était adressé étant donné que c’est lui-même qui avait instauré mon interdiction de combat et donc de s’élever dans les classes.
– Je sais… mais, les circonstances peuvent parfois nous amener à poser certaines actions.
Lançais-je amèrement au visage de directeur en résistant contre le mince filet magique que son assistante qui le suit toujours comme un petit chien de poche avait lancé sur mon poing.
Il lui fit discrètement signe de relâcher sa magie contre moi et une seconde plus tard, le mince filet céda et retourna dans les mains de la petite marionnette du directeur.
– J’espère que vous respecterez les règles. Quant à vous trois, disparaissez. Dit-il d’une voix faussement sympathique et avec fermeté.
Les trois autres partirent vite sans demander leur reste pendant que Louane tira ma manche afin de s’éloigner loin du directeur. Il est vrai que le directeur à un vrai don pour me faire sortir de mes gonds et je dois éviter de lui montrer ma colère. Mais je sais qu’un jour, elle finira par sortir, que cela soit voulu ou non par moi ou par lui, car le directeur me déteste autant, sinon plus, que je le déteste. J’en suis sûr.
…
– Débarrasse-toi de ce filet. Il est souillé à présent.
– Tout de suite maître.
– Je ne comprends décidément pas ce que ma sœur peut bien lui trouver à cet être misérable. Il me fait presque pitié.
– Dois-je le faire escorter vers la sortie de l’établissement, monsieur?
– Non. Ma sœur trouverait encore un moyen stupide de le faire revenir. Nous pouvons nous permettre de le garder dans cette école étant donné son interdiction de combat…. Mais..
– Oui maître ?
– Il est impératif qu’il ne devienne pas l’organisateur de jeu de ma sœur.
